Andreï Bodrov et le Gostrust Tochmekh (2e partie)
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Andreï Bodrov et le Gostrust Tochmekh (2e partie)
En 1924-25, le Tochmekh produit environ 45.000 réveils. Cette production est médiocre: le modèle est archaïque et son prix élevé. Le réveil "Трест" ("Trust") est vendu entre 6,5 et 7 roubles, tandis que le prix à l'étranger équivaut à une ou deux roubles pour un produit de meilleure qualité.
En 1926-27, le Tochmekh parvient à produire environ 270.000 montres et là aussi, qualitativement et quantitativement, c'est largement insuffisant pour les besoins des communications et de la défense.
Une horloge du Tochmekh
En 1924, en France, le gouvernement d'Edouard Herriot reconnait l'URSS et dès 1925, une société franco-russe au capital d'un demi-million de dollars est créé pour la production de poids et d'instruments de mesure en URSS. Mais les négociation n'aboutissent pas. Les gestionnaires de la société ne voulaient pas perdre leur statut, leurs salaires ou leur capital, qui n'était pas sans travail. Et les Soviétiques étaient intéressés par des investissements dans l'économie russe. Les deux parties cherchèrent un nouveau projet commun et parvinrent à intéresser, en août 1927 la société horlogère suisse Zenith. Le directeur principal de Zenith, M. Shtram, alla négocier à Paris. Les soviétiques se montrèrent intéressés par la production de montres de poche en URSS.
La manufacture Zenith au Locle
Des représentants de la mission commerciale soviétique en France partent pour Le Locle pour inspecter l'entreprise. Ils se rendent toutefois d'abord à Tramelan, où l'entreprise horlogère Auguste Reymond fabrique les mouvement Unitas alors massivement importés et emboîtés par le Tochmekh. Au Locle, les délégués soviétiques sont impressionnés : "Les entreprises Zenith sont bien supérieures à celles que nous avons vues à Tramelan, et sont un exemple de bonne organisation et d'équipement" La délégation rencontre le directeur de l'entreprise qui se rendra par la suite à Moscou. Mais le projet ne se fera pas, freiné par le Tochmekh (que l'on a soupçonné de vouloir présrver un monopole lucratif) et le Conseil national de l'économie de Moscou, qui venait de débourser des fonds pour la construction d'une usine horlogère. Les Suisses eux-mêmes plombèrent le projet en émettant des doutes sur la capacités des ouvriers soviétiques. Zenith fit alors une contre-proposition consistant en une production de réveils, mais il exigea d'avoir la haute main sur le recrutement et le licenciement dus travailleurs, ce qui lui fut refusé. On envisagea alors une assistance technique (formation, équipements, crédits) en échange d'un prix fixe pour chaque montre produite. Mais à ce moment un ordre du Conseil des commissaires du peuple visant à réduire les dépenses en devises rendait impossible l'idée de verser entre 150 et 200.000 dollars par an à Zenith.
A ce moment une délégation était partie aux USA qui allait, on le verra ci-après, ramener la solution: l'achat clé en main de deux usines horlogères américaines et leur déménagement à Moscou.
Au début du premier plan quinquennal de Staline, en 1928, Gostrust Tochmekh intégre la Fabrique Électromécanique de Moscou (MEMZ) alors en difficulté, qui était située dans un bâtiment rénové à Tverskoï Zastavi, Moscou.
La Fabrique MEMZ.
Le directeur de la MEMZ, Alekseï Pétrovich Boutouzov, décoré de l'Ordre du Drapeau Rouge pendant la guerre civile
Cette Fabrique avait été fondée en novembre 1924 par la fusion entre la Fabrique de Radiotélégraphie de Moscou et les ateliers électromécaniques et horlogers de la Fabrique d'Électromécanique de Moscou. Elle relevait de la Direction technique de l'Armée et s'était installée dans un bâtiment en pierre de trois étages récemment rénové à la Tverskaya Zastava. Au départ, l’usine employait environ 125 ouvriers, qui étaient principalement engagés dans la fabrication sur mesure d’équipements télégraphiques, de radios, de projecteurs, ainsi que dans la réparation des minuteries électromécaniques utilisées pour contrôler les tramways de Moscou. En novembre 1930, la Fabrique Électromécanique de Moscou (MEMZ) devient la 2e Fabrique de Montres d'État 2ГЧЗ (Второго Гос. Часа).
Le réveil ci-dessous porte à la fois laque de cette fabrique et du Tochmek, il a donc été produit entre 1930 (début de la 2ГЧЗ) et 1933 (fin du Tochmekh)
Le 30 décembre 1927, le Conseil du travail et de la défense publia un décret qui chargeait le Conseil suprême de l'économie de créer des usines d'horlogerie à partir de zéro. Les usines devaient être conformes à celles de Suisse et des États-Unis et, dans cette optique, Bodrov prévoya d'envoyer des ingénieurs à l'étranger pour faire rapport sur la production étrangère.
Le décret du 30 décembre 1927
En mars 1928, Mikhaïl Fedorovitch Izmalkov, alors ingénieur en chef de la MEMZ, fut envoyé en Allemagne pour étudier la production de réveils muraux et d'alarme. À son retour du voyage, Izmalkov a proposé un plan pour accélérer la fabrication de montres soviétiques en acquérant des usines clés en main; machines, modèles et outils.
Mais le 20 mars 1928, le Tochmekh reçu les grandes lignes d'une proposition alternative de Wolf Pruss (voir ici) qui, contrairement à Izmalkov, Pruss propose de déployer la construction d'ateliers d'assemblage basés en Union soviétique, puis l'achat progressif d'équipements horlogers de point en Suisse et en Allemagne, le tout financé par les bénéfices de la vente de montres, assemblées à partir de composants importés.
Il a fait valoir que la construction et l'aménagement d'installations et d'équipements complets nécessiteraient plusieurs années alors que le pays avait un grand besoin de montres. Pruss prévoyait qu'avec son approche progressive, l'URSS serait en mesure de maîtriser tout le processus de production en 2 ou 3 ans.
Comme aucune entreprise européenne ne semblait intéressée par une coopération pour installer une production de montres en URSS, la commission parti aux USA début 1929.
Cette visite avait été préparée par l'Amtorg (Амторг) ; c'est l'Amtorg qui choisi les usines à visiter et établi le calendrier des visites. L'Amtorg Trading Corporation, (Amerikanskaya Torgovlya) était la première représentation commerciale soviétique aux USA.
Société anonyme de droit américain, l'Amtorg centralisait les achats à destination de l'URSS et elle était contrôlée par le Commissariat du peuple au commerce extérieur. Avant l'établissement des relations diplomatiques entre les États-Unis et l'URSS (en 1933), l'Amtorg jouait quasiment le rôle d'ambassade. A cette époque, elle était située à Manhattan, au 165 Broadway et son directeur était alors Saul Grigorievich Bron
Signature du contrat de construction de la grande Fabrique automobile Gorki le 31 mai 1929; de gauche à droite: Valery I. Mezhlauk, vice-président du Le Conseil suprême de l'économie nationale (Высший Совет Народного Хозяйства, ВСНX), Henry Ford, et Saul Grigorievich Bron, président de l'Amtorg. Valery Mezhlauk et Saul Bron seront tous deux exécuté en 1938, lors des grandes purges.
La délégation du Tochmekh visita environ 21 usines d'ingénierie de précision, dont 8 usines horlogères. Andreï Bodrov a rapporté que «la fabrication de montres en Amérique était à un niveau nettement plus élevé que l'Europe. Contrairement à la méthode de production européenne semi-amateur, l'Amérique était presque entièrement automatisée. "
Bodrov a proposé d'acheter aux USA de l'équipement d'occasion pour la production de montres. Il reconnaissait que l'équipement était vieux et aurait déclaré: «Le personnel est inexpérimenté et pourrait beaucoup de dégâts, avec de nouvelles machines. Ils apprendront mieux sur les anciens, et ils devront être progressivement remplacés par de nouveaux. Il vaut mieux avoir quelque chose que ne rien avoir. Nous ne sommes pas assez riches pour aller immédiatement à de nouvelles combinaisons chères lors de la randonnée et de l'usure ».
Cependant, il craignait qu'on ne l'accusât, à Moscou, d'avoir «acheté de la camelote», surtout si on comparait avec les projets conçus avec les Suisses, ou même avec les plan de Wolf Pruss.
La décision de Bodrov allait se révéler adaptée.
J'exposerai dans un autre article l'épopée de l'achat et de la transplantation des fabriques américaines Dueber-Hampden et Ansonia Clock à Moscou. Mais au moment où l’équipement embarquait aux États-Unis, la construction des installations de la 1ère Fabrique d'État de Montres du TochMekh était entreprise en tant que projet de «priorité absolue».
Le bloc principal a été construit sur l'emplacement d'une usine de tabac appelée «Krasnaya Zvevda» (étoile rouge) rue Vorontsovskaya. Les travaux ont commencé en février 1930 et se termineraient en juin 1930. L'installation de l'équipement principal de Dueber-Hampden a été achevée en 15 septembre 1930.
Une article de la presse zméricain sur le déménagement de Dueber-Hampten en Rusie soviétique
La fabrique Krasnaya Zvevda, rue Vorontsovskaya, à Moscou
Le 7 novembre 1930, les 50 premières montres de poche ont été commandées pour la fabrication. Ces montres ont été présentées lors d'une réunion de cérémonie au Bolchoï.
Le modèle de montre (type 1/K43) était basé sur le mouvement Hampden "Size 16" dont le modèle avait été acheté en même temps que l'usine. En outre, il y avait les types 2, 3 et 4, également basés sur d'autres modèles Hampden. Les premières montres intégraient d'ailleurs des pièces produites par Hampden aux USA et achetées avec le reste...
A cette période, le Tochmekh était passé sous le contrôle du Conseil de l'économie nationale de Moscou [Московского Совета народного хозяйства], cela durera de 1928 à 1931. Entretemps, il avait perdu son directeur: Andreï Bodrov quitte le Tochmekh fin 1930 pour prendre la direction de la 1ère Fabrique d'État de roulements à billes. C'était une nomination prestigieuse dans une industrie clé. Bodrov était par ailleurs membre du comité local de Moscou. À partir de 1936, il était directeur de l'usine secrète n°192, où sont conçus et produits des dispositifs de radiocommande pour torpilles.
La mise en place de la production s'accompagnait d'un gros effort de formation du personnel. L'école rtechnique d'horlogerie fondée par Wolf Pruss était ainsi passée sous l'autorité du Tochmekh. Un article dans Troud (Труд), le journal des syndicats, du 2 mars 1931, rend compte des diffcultés dans le lancement de formation professionnelle de jeunes ouvriers horlogers à la 1ère Fabrique de Montres de Moscou. Alors qu'en janvier, l'école et le Komsomol de la fabrique pensaient pouvoir former 120 nouveaux élèves, l'administration de la fabrique et le Tochmekh ont décidé que seule la moitié, soit 60 élèves, seraient reçu en février.
Entre 1931 et 1933 il y aura une valse des responsabilités sur le Tochmakh: entre le Fonds d'État de la mécanique de précision de la ville de Moscou [Государственный Московский городской трест точной механики (Точмех)], le Conseil municipal de l'économie nationale de Moscou [Московского городского совета народного хозяйства], et le Bureau du Commissariat populaire à l’industrie lourde relevant du Comité exécutif des députés ouvriers, paysans et de l’Armée rouge du conseil et de la ville de Moscou, (ouf...) [Управления уполномоченного Наркомата тяжелой промышленности при Моссовете и Мосгорисполкоме рабочих, крестьянских и красноармейских депутатов].
Produits de la 1ère Fabrique
Produits de la 2e Fabrique
Le Gostrust Tochmekh sera finalement dissous au début du 2e plan quinquennal en 1933, alors que les 1ère et 2e Fabrique de Montre de Moscou (qui avait reçu les équipement de l'usine Ansonia Clock) étaient en pleine activité. La première produisait des montres, la seconde des horloges mécaniques et électriques ainsi que des réveils-matin.
Ses entreprises du Tochmekh allaient être ventilées entre différents commissariats. La fabrique Métron (devenue en 1936 la Fabrique n°214) allant devenir une entreprise stratégique fournissant l'aviation et l'armée (c'est la première à avoir fabriqué des gyroscopes en Russie).
Quant au maître d'oeuvre du Tochmekh, Andraï Bodrov, cet homme qui, sans être horloger ni même ingénieur, peut être considéré comme le fondateur de l'industrie horlogère soviétique, il sera arrêté, accusé d'activités contre-révolutionnaires, jugé et exécuté en moins d'un mois à l'automne 1938.
Il a été réhabilité dans les années '50.
Sources:
http://forum.watch.ru/showthread.php?t=54866&page=2
https://www.kommersant.ru/doc/474852
https://www.kommersant.ru/doc/476663
https://fr.hampdenwatches.com/extra
http://tryndin.narod.ru/Blagotvorit.htm
https://rostec.ru/news/3997
En 1926-27, le Tochmekh parvient à produire environ 270.000 montres et là aussi, qualitativement et quantitativement, c'est largement insuffisant pour les besoins des communications et de la défense.
Une horloge du Tochmekh
En 1924, en France, le gouvernement d'Edouard Herriot reconnait l'URSS et dès 1925, une société franco-russe au capital d'un demi-million de dollars est créé pour la production de poids et d'instruments de mesure en URSS. Mais les négociation n'aboutissent pas. Les gestionnaires de la société ne voulaient pas perdre leur statut, leurs salaires ou leur capital, qui n'était pas sans travail. Et les Soviétiques étaient intéressés par des investissements dans l'économie russe. Les deux parties cherchèrent un nouveau projet commun et parvinrent à intéresser, en août 1927 la société horlogère suisse Zenith. Le directeur principal de Zenith, M. Shtram, alla négocier à Paris. Les soviétiques se montrèrent intéressés par la production de montres de poche en URSS.
La manufacture Zenith au Locle
Des représentants de la mission commerciale soviétique en France partent pour Le Locle pour inspecter l'entreprise. Ils se rendent toutefois d'abord à Tramelan, où l'entreprise horlogère Auguste Reymond fabrique les mouvement Unitas alors massivement importés et emboîtés par le Tochmekh. Au Locle, les délégués soviétiques sont impressionnés : "Les entreprises Zenith sont bien supérieures à celles que nous avons vues à Tramelan, et sont un exemple de bonne organisation et d'équipement" La délégation rencontre le directeur de l'entreprise qui se rendra par la suite à Moscou. Mais le projet ne se fera pas, freiné par le Tochmekh (que l'on a soupçonné de vouloir présrver un monopole lucratif) et le Conseil national de l'économie de Moscou, qui venait de débourser des fonds pour la construction d'une usine horlogère. Les Suisses eux-mêmes plombèrent le projet en émettant des doutes sur la capacités des ouvriers soviétiques. Zenith fit alors une contre-proposition consistant en une production de réveils, mais il exigea d'avoir la haute main sur le recrutement et le licenciement dus travailleurs, ce qui lui fut refusé. On envisagea alors une assistance technique (formation, équipements, crédits) en échange d'un prix fixe pour chaque montre produite. Mais à ce moment un ordre du Conseil des commissaires du peuple visant à réduire les dépenses en devises rendait impossible l'idée de verser entre 150 et 200.000 dollars par an à Zenith.
A ce moment une délégation était partie aux USA qui allait, on le verra ci-après, ramener la solution: l'achat clé en main de deux usines horlogères américaines et leur déménagement à Moscou.
Au début du premier plan quinquennal de Staline, en 1928, Gostrust Tochmekh intégre la Fabrique Électromécanique de Moscou (MEMZ) alors en difficulté, qui était située dans un bâtiment rénové à Tverskoï Zastavi, Moscou.
La Fabrique MEMZ.
Le directeur de la MEMZ, Alekseï Pétrovich Boutouzov, décoré de l'Ordre du Drapeau Rouge pendant la guerre civile
Cette Fabrique avait été fondée en novembre 1924 par la fusion entre la Fabrique de Radiotélégraphie de Moscou et les ateliers électromécaniques et horlogers de la Fabrique d'Électromécanique de Moscou. Elle relevait de la Direction technique de l'Armée et s'était installée dans un bâtiment en pierre de trois étages récemment rénové à la Tverskaya Zastava. Au départ, l’usine employait environ 125 ouvriers, qui étaient principalement engagés dans la fabrication sur mesure d’équipements télégraphiques, de radios, de projecteurs, ainsi que dans la réparation des minuteries électromécaniques utilisées pour contrôler les tramways de Moscou. En novembre 1930, la Fabrique Électromécanique de Moscou (MEMZ) devient la 2e Fabrique de Montres d'État 2ГЧЗ (Второго Гос. Часа).
Le réveil ci-dessous porte à la fois laque de cette fabrique et du Tochmek, il a donc été produit entre 1930 (début de la 2ГЧЗ) et 1933 (fin du Tochmekh)
Le 30 décembre 1927, le Conseil du travail et de la défense publia un décret qui chargeait le Conseil suprême de l'économie de créer des usines d'horlogerie à partir de zéro. Les usines devaient être conformes à celles de Suisse et des États-Unis et, dans cette optique, Bodrov prévoya d'envoyer des ingénieurs à l'étranger pour faire rapport sur la production étrangère.
Le décret du 30 décembre 1927
En mars 1928, Mikhaïl Fedorovitch Izmalkov, alors ingénieur en chef de la MEMZ, fut envoyé en Allemagne pour étudier la production de réveils muraux et d'alarme. À son retour du voyage, Izmalkov a proposé un plan pour accélérer la fabrication de montres soviétiques en acquérant des usines clés en main; machines, modèles et outils.
Mais le 20 mars 1928, le Tochmekh reçu les grandes lignes d'une proposition alternative de Wolf Pruss (voir ici) qui, contrairement à Izmalkov, Pruss propose de déployer la construction d'ateliers d'assemblage basés en Union soviétique, puis l'achat progressif d'équipements horlogers de point en Suisse et en Allemagne, le tout financé par les bénéfices de la vente de montres, assemblées à partir de composants importés.
Il a fait valoir que la construction et l'aménagement d'installations et d'équipements complets nécessiteraient plusieurs années alors que le pays avait un grand besoin de montres. Pruss prévoyait qu'avec son approche progressive, l'URSS serait en mesure de maîtriser tout le processus de production en 2 ou 3 ans.
Comme aucune entreprise européenne ne semblait intéressée par une coopération pour installer une production de montres en URSS, la commission parti aux USA début 1929.
Cette visite avait été préparée par l'Amtorg (Амторг) ; c'est l'Amtorg qui choisi les usines à visiter et établi le calendrier des visites. L'Amtorg Trading Corporation, (Amerikanskaya Torgovlya) était la première représentation commerciale soviétique aux USA.
Société anonyme de droit américain, l'Amtorg centralisait les achats à destination de l'URSS et elle était contrôlée par le Commissariat du peuple au commerce extérieur. Avant l'établissement des relations diplomatiques entre les États-Unis et l'URSS (en 1933), l'Amtorg jouait quasiment le rôle d'ambassade. A cette époque, elle était située à Manhattan, au 165 Broadway et son directeur était alors Saul Grigorievich Bron
Signature du contrat de construction de la grande Fabrique automobile Gorki le 31 mai 1929; de gauche à droite: Valery I. Mezhlauk, vice-président du Le Conseil suprême de l'économie nationale (Высший Совет Народного Хозяйства, ВСНX), Henry Ford, et Saul Grigorievich Bron, président de l'Amtorg. Valery Mezhlauk et Saul Bron seront tous deux exécuté en 1938, lors des grandes purges.
La délégation du Tochmekh visita environ 21 usines d'ingénierie de précision, dont 8 usines horlogères. Andreï Bodrov a rapporté que «la fabrication de montres en Amérique était à un niveau nettement plus élevé que l'Europe. Contrairement à la méthode de production européenne semi-amateur, l'Amérique était presque entièrement automatisée. "
Bodrov a proposé d'acheter aux USA de l'équipement d'occasion pour la production de montres. Il reconnaissait que l'équipement était vieux et aurait déclaré: «Le personnel est inexpérimenté et pourrait beaucoup de dégâts, avec de nouvelles machines. Ils apprendront mieux sur les anciens, et ils devront être progressivement remplacés par de nouveaux. Il vaut mieux avoir quelque chose que ne rien avoir. Nous ne sommes pas assez riches pour aller immédiatement à de nouvelles combinaisons chères lors de la randonnée et de l'usure ».
Cependant, il craignait qu'on ne l'accusât, à Moscou, d'avoir «acheté de la camelote», surtout si on comparait avec les projets conçus avec les Suisses, ou même avec les plan de Wolf Pruss.
La décision de Bodrov allait se révéler adaptée.
J'exposerai dans un autre article l'épopée de l'achat et de la transplantation des fabriques américaines Dueber-Hampden et Ansonia Clock à Moscou. Mais au moment où l’équipement embarquait aux États-Unis, la construction des installations de la 1ère Fabrique d'État de Montres du TochMekh était entreprise en tant que projet de «priorité absolue».
Le bloc principal a été construit sur l'emplacement d'une usine de tabac appelée «Krasnaya Zvevda» (étoile rouge) rue Vorontsovskaya. Les travaux ont commencé en février 1930 et se termineraient en juin 1930. L'installation de l'équipement principal de Dueber-Hampden a été achevée en 15 septembre 1930.
Une article de la presse zméricain sur le déménagement de Dueber-Hampten en Rusie soviétique
La fabrique Krasnaya Zvevda, rue Vorontsovskaya, à Moscou
Le 7 novembre 1930, les 50 premières montres de poche ont été commandées pour la fabrication. Ces montres ont été présentées lors d'une réunion de cérémonie au Bolchoï.
Le modèle de montre (type 1/K43) était basé sur le mouvement Hampden "Size 16" dont le modèle avait été acheté en même temps que l'usine. En outre, il y avait les types 2, 3 et 4, également basés sur d'autres modèles Hampden. Les premières montres intégraient d'ailleurs des pièces produites par Hampden aux USA et achetées avec le reste...
A cette période, le Tochmekh était passé sous le contrôle du Conseil de l'économie nationale de Moscou [Московского Совета народного хозяйства], cela durera de 1928 à 1931. Entretemps, il avait perdu son directeur: Andreï Bodrov quitte le Tochmekh fin 1930 pour prendre la direction de la 1ère Fabrique d'État de roulements à billes. C'était une nomination prestigieuse dans une industrie clé. Bodrov était par ailleurs membre du comité local de Moscou. À partir de 1936, il était directeur de l'usine secrète n°192, où sont conçus et produits des dispositifs de radiocommande pour torpilles.
La mise en place de la production s'accompagnait d'un gros effort de formation du personnel. L'école rtechnique d'horlogerie fondée par Wolf Pruss était ainsi passée sous l'autorité du Tochmekh. Un article dans Troud (Труд), le journal des syndicats, du 2 mars 1931, rend compte des diffcultés dans le lancement de formation professionnelle de jeunes ouvriers horlogers à la 1ère Fabrique de Montres de Moscou. Alors qu'en janvier, l'école et le Komsomol de la fabrique pensaient pouvoir former 120 nouveaux élèves, l'administration de la fabrique et le Tochmekh ont décidé que seule la moitié, soit 60 élèves, seraient reçu en février.
Entre 1931 et 1933 il y aura une valse des responsabilités sur le Tochmakh: entre le Fonds d'État de la mécanique de précision de la ville de Moscou [Государственный Московский городской трест точной механики (Точмех)], le Conseil municipal de l'économie nationale de Moscou [Московского городского совета народного хозяйства], et le Bureau du Commissariat populaire à l’industrie lourde relevant du Comité exécutif des députés ouvriers, paysans et de l’Armée rouge du conseil et de la ville de Moscou, (ouf...) [Управления уполномоченного Наркомата тяжелой промышленности при Моссовете и Мосгорисполкоме рабочих, крестьянских и красноармейских депутатов].
Produits de la 1ère Fabrique
Produits de la 2e Fabrique
Le Gostrust Tochmekh sera finalement dissous au début du 2e plan quinquennal en 1933, alors que les 1ère et 2e Fabrique de Montre de Moscou (qui avait reçu les équipement de l'usine Ansonia Clock) étaient en pleine activité. La première produisait des montres, la seconde des horloges mécaniques et électriques ainsi que des réveils-matin.
Ses entreprises du Tochmekh allaient être ventilées entre différents commissariats. La fabrique Métron (devenue en 1936 la Fabrique n°214) allant devenir une entreprise stratégique fournissant l'aviation et l'armée (c'est la première à avoir fabriqué des gyroscopes en Russie).
Quant au maître d'oeuvre du Tochmekh, Andraï Bodrov, cet homme qui, sans être horloger ni même ingénieur, peut être considéré comme le fondateur de l'industrie horlogère soviétique, il sera arrêté, accusé d'activités contre-révolutionnaires, jugé et exécuté en moins d'un mois à l'automne 1938.
Il a été réhabilité dans les années '50.
Sources:
http://forum.watch.ru/showthread.php?t=54866&page=2
https://www.kommersant.ru/doc/474852
https://www.kommersant.ru/doc/476663
https://fr.hampdenwatches.com/extra
http://tryndin.narod.ru/Blagotvorit.htm
https://rostec.ru/news/3997
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