L'étonnante production horlogère soviétique dans les possessions insulaires US
+8
Timeseeker
Bozouich
Svoboda
Godevin
Palpatine
Pascal54
LeDocteur
Chronotopos
12 participants
Page 1 sur 1
L'étonnante production horlogère soviétique dans les possessions insulaires US
Je me suis offert une Jerlian et un petit lot de Timetone.
Une Timetone pour homme emboîtant un Poljot 2614.2H
Une Timetone pour dame emboîtant un Zaria 2009P
Une Jerlian emboîtant un Poljot 2609H
Ces montres sont l’occasion d’explorer un épisode surprenant de l’histoire de l’industrie horlogère soviétique puisqu’elles ont été fabriquées la première à Guam, les autres aux îles Vierges, c’est-à-dire dans des possessions américaines !
Toutes les possessions insulaires US. En vert, Guam et les îles vierges, les deux lieux de production des montres.
Pour rappel, les îles Vierges (Saint-Thomas, Saint-John et Sainte-Croix, et quelques îles de moindre importance) sont situées dans les Antilles et ont été achetées au Danemark par les États-Unis en 1917. L’île de Guam, dans le Pacifique, a été cédé aux États-Unis en 1898 suite à la guerre hispano-américaine. Une partie des îles Samoa est devenue américaine en 1899, suite au partage de l’archipel entre les USA et l’Empire allemand. Ces territoires ont leur propre gouvernement mais ils appartiennent aux USA et leurs habitants ont la nationalité américaine (c’est aussi le statut de Porto Rico) sans pouvoir envoyer des élus au Parlement US.
Pour favoriser l’emploi dans ces îles, un règlement commercial (le U.S. Tariff Schedule General Headnote 3a) permettait l’importation libre de toute taxe vers les USA de biens manufacturés, à partir des îles Vierges, de Guam, et la partie US des îles Samoa. La condition était que la valeur des biens étrangers incorporés dans les montres ne dépassent pas un certain pourcentage de la valeur globale du produit fini, 70 % dans le cas des montres.
Ce fut un succès puisqu’à partir de 1959, une petite vingtaine de compagnies y installèrent des chaînes de production. Dans les années ‘70, plus de 4 millions de montres provenant des îles étaient importées aux USA aux conditions les plus avantageuses. Ces compagnies importaient des ébauches, pièces et sous-ensembles de Suisse, d’Allemagne, de France. Les fabriquant US, qui eux bénéficiaient en plus de subventions, sous-traitaient aussi le montage final de montres aux îles.
L’URSS était alors, pour le commerce US, sur la « liste 2 » des pays, celle des pays dont les importations aux USA étaient limitées et/ou lourdement taxées. Les experts soviétiques virent dans ces mesures en faveur de l’industrialisation des possessions insulaires US une faille à exploiter dans la réglementation commerciale des USA.
Des sociétés écrans panaméennes, créées par les services soviétiques du commerce extérieur, furent d’abord fondées. La plus importante d’entre elles était l’International Ciers S.A. fondée le 11 juin 1965, qui allait elle-même fonder des sociétés industrielles dans les îles Vierges pour y fabriquer en masse des montres avec des mécanismes soviétiques et les importer en « duty-free » aux USA.
La Cornavin (V.I.) Inc, principal fabriquant des montres soviétiques des îles Vierges, était directement contrôlée par International Ciers. Mais International Ciers contrôlait aussi le fabriquant Caribbean Watch Company. Trois autres sociétés allaient être fondées encore, deux aux îles Vierges, la Sussex Watch Corporation et la Watches Inc, et une à Guam : la Jerlian Watch C° Inc.
On peut remarquer qu’aux îles Vierges, les fabricants utilisant des mouvements ouest-européens étaient basées dans l’île de Ste Croix alors que les deux principales fabriques « soviétiques », Cornavin et Sussex, étaient basée à St Thomas, où elles employaient une centaine de travailleurs.
La production de montres avec des mécanismes soviétiques avait commencé à toute petite échelle en 1962 pour devenir conséquente en 1967. Cette année là, 324.000 montres « soviétiques » étaient produites et la production sera grosso modo constante les années suivantes. En 1976, la production décolle et passe à 654.390 pièces (cette même années, seulement 1.000 montres étaient exportées directement de l’URSS aux USA). En 1977, cette production atteignait 816.000 pièces. Les deux sociétés-écrans panaméennes, Metro Zona Libre SA, et International Ciers SA ne s’en satisfaisaient pas puisqu’elles proposaient aux autres fabriques des îles Vierges d’emboîter des mécanismes soviétiques.
En 1973, International Ciers S.A. achetait la société horlogère genevoise Cornavin, une société qui existait depuis 1920. La marque allait être utilisée par le Mashpriborintorg (pour cet organisation de commerce extérieur soviétique, voir ici) de différente manière :
- pour des montres entièrement produites en URSS (par différentes fabriques), on en voit même au catalogue 1977
- pour des montres produites aux îles Vierges par la Cornavin V.I. [Virgin Islands] Inc,
- pour des montres produits avec des mécanismes soviétiques hors d’URSS et là on manque de précision : certain disent que des Cornavin ont été fabriquées en Suisse par la société du même nom, avec des boîtiers asiatiques (hong-kongais, taiwanais…), d’autres que des Cornavin ont été fabriquées à Hong Kong.
De fait, il y a eu une Cornavin Hong Kong Ltd fondée en 1976. Mais cela ne veut pas dire que ces montres ont été fabriquées à Hong Kong. Ce qui est certain, c’est que les montres Cornavin, Timetone et autres, fabriquées dans les îles Vierges avec des mécanismes soviétiques, utilisaient des boîtiers, bracelets et boites d’emballages en provenance de Hong Kong, et parfois marqués comme tels...
En 1977, la valeur des montres soviéto-insulaire exportées aux USA était de 3,66 millions de $. La valeur totale des exportations soviétiques (directes) vers les USA était de 421 millions de $ (ces chiffres semblent bas mais le dollars avait une tout autre valeur à l’époque). Les montres de Guam et des îles Vierges représentaient donc 1 % des exportations soviétiques vers les USA. Ce n’est pas négligeable…
Cornavin employait une centaine de personnes, Sussex une vingtaine, Watch Inc une trentaine, Jerlian (à Guam) une soixantaine.
En quelques années donc, les production « soviétique » montait à 20 % de la production horlogère des îles Vierges et à la grande majorité de la production de Guam (marque Jerlian).
Les montres étaient importées en masquant au consommateur américain leur origine. La marque « Timetone » évoquait une origine américaine, les marques « Geneva », « Jean Cardot » et « Cornavin » une origine suisse. Tout était pensé pour renforcer cette impression. C’est ainsi que le nom de la société figurant sur le certificat de garantie des Timetone, et où le consommateur pouvait envoyer son produit tant qu’il était sous sa garantie de deux ans, était l’American Swiss Repair Service, basée à Brooklyn…
Ces montres entraient principalement en concurrence avec celles de du géant horloger américain spécialisé dans la production de masse à bas prix : Timex. Le prix moyen d’une Timex était de 20$. Les Timetone, qui étaient à ce moment toutes originaires des îles Vierges, étaient vendues à 16,88$ et parfois vendus moins cher encore, à 11,88$ ou 9,88$ - et elles étaient d’une qualité supérieure, embarquant un calibre à 17 rubis.
Une autre de mes Timetone, version chromée du modèle déjà montré
Une Jean Cardot vue sur la baie.
Ainsi par exemple, la société Helbros Watches Inc vendait pour 250.000$ de montres produites dans sa fabrique des îles Vierges à S.M.&R. de Chicago. En 1977, S.M.&R. n’achetait plus que pour 80.000$ à Helbros et s’approvisionnait pour 170.000$ entre montres venues des îles Vierges avec des mécanismes soviétiques. Au printemps 1977, K-Mart passait une commande de 100 à 150.000 montres à Helbros, mais à la dernière minutes, Cornavin Watch C° fit une contre-offre et emporta le marché. C’est ainsi que des Cornavins venant des îles Vierges étaient vendues pour 12,88$ dans les magasins K-Mart. Et 1977 et 1978 Helbros perdait le contrat des montres vendues dans la chaîne de magasins Zayles (750.000 montres par an) : au profit d’une société emboitant des mécanismes soviétiques. De la même manière, les chaînes de grandes distribution comme J.M.Fields et Zavre commercialisaient des Timetone.
L’American Wartch Association (qui regroupait les principales sociétés horlogères des USA) et les 11 producteurs horlogers des possessions insulaires US (dépendant tous des membres de l’AWA) commencèrent une campagne contre les sociétés « soviétiques » des îles Vierges et de Guam.
En 1978, la première des mesures visant à limiter la part des mécanismes soviétiques de la production horlogère des possessions insulaires US était voté : c’était l’amendement proposé par le représentant Dan Rostenkowski qui listait une série de 25 pièces devant être produites dans les îles.
Mais les représentant des sociétés horlogères américaines exigeaient l’interdiction pure et simple de calibres ou de pièce venant d’URSS.
Ces sociétés horlogères américaines exposaient que dans les ateliers « soviétiques », les ouvriers n’effectuaient qu’une demi-douzaine d’opérations simples pour assembler trois sous-ensembles produits en URSS, alors que dans les ateliers « américains », les ouvriers insulaires effectuaient 19 opérations, certains complexes, à partir d’une quarantaines de pièces. Et qu‘ainsi l’objectif du règlement commercial qui était de développer un emploi qualifié dans les îles n’étaient pas atteint.
Elles dénonçaient la concurrence déloyale des soviétiques en raison du faible coût des éléments importés. Les sociétés qui importaient des mécanismes ébauches et pièces de Suisse, d’Allemagne et de France étaient terriblement handicapées par la baisse du dollars. Mais même les compagnies important des éléments des USA ne pouvaient résister à cette concurrence survenant alors que l’URSS s’affirme de plus en plus comme une grande puissance horlogère. En 1976, l’URSS produit environ 60 millions de montres (21% de la production mondiale), la Suisse produit 75 millions (26%), le Japon 34 millions (12%) et les USA 31 millions (11%).
L’AWA exposait qu’à terme, la production horlogère soviétique risquait de mettre en crise l’industrie horlogère US. L’AWA citait la progression foudroyante des ventes de « Sekonda » au Royaume-Unis et de « Cardinal » au Canada.
Les sociétés horlogères « soviétiques » des possessions insulaires US luttèrent contre ces projets visant à restreindre leurs activités. Réunies dans l American Insular Manufacturers, une association à but non lucratif basée aux îles Vierges, ces sociétés étaient alors Cornavin (VI) Inc, Sussex Watch Corporation, toutes deux basées aux îles Vierges, et la Jerlian Watch C° Inc basée à Guam. On remarquera que les sociétés Watches Inc et Caribbean Watch Company avaient disparues à cette date.
L’American Insular Manufacturers avait pour porte-parole Joseph H. Sharlitt, une personnalité intéressante, membre du conseil d’administration de plusieurs compagnie, et auteur, dans les années ‘80, d’un livre sur les Rosenberg...
Ce combat a été perdu en 1979 : de nouveaux règlements commerciaux instaurent des quotas discriminant radicalement les fabricants insulaires utilisant des mécanismes soviétiques : c’était le début de la fin pour cet épisode pour le moins original de l'histoire de l'industrie horlogère soviétique...
Source principale, ce rapport:
ici: le .pdf
Une Timetone pour homme emboîtant un Poljot 2614.2H
Une Timetone pour dame emboîtant un Zaria 2009P
Une Jerlian emboîtant un Poljot 2609H
Ces montres sont l’occasion d’explorer un épisode surprenant de l’histoire de l’industrie horlogère soviétique puisqu’elles ont été fabriquées la première à Guam, les autres aux îles Vierges, c’est-à-dire dans des possessions américaines !
Toutes les possessions insulaires US. En vert, Guam et les îles vierges, les deux lieux de production des montres.
Pour rappel, les îles Vierges (Saint-Thomas, Saint-John et Sainte-Croix, et quelques îles de moindre importance) sont situées dans les Antilles et ont été achetées au Danemark par les États-Unis en 1917. L’île de Guam, dans le Pacifique, a été cédé aux États-Unis en 1898 suite à la guerre hispano-américaine. Une partie des îles Samoa est devenue américaine en 1899, suite au partage de l’archipel entre les USA et l’Empire allemand. Ces territoires ont leur propre gouvernement mais ils appartiennent aux USA et leurs habitants ont la nationalité américaine (c’est aussi le statut de Porto Rico) sans pouvoir envoyer des élus au Parlement US.
Pour favoriser l’emploi dans ces îles, un règlement commercial (le U.S. Tariff Schedule General Headnote 3a) permettait l’importation libre de toute taxe vers les USA de biens manufacturés, à partir des îles Vierges, de Guam, et la partie US des îles Samoa. La condition était que la valeur des biens étrangers incorporés dans les montres ne dépassent pas un certain pourcentage de la valeur globale du produit fini, 70 % dans le cas des montres.
Ce fut un succès puisqu’à partir de 1959, une petite vingtaine de compagnies y installèrent des chaînes de production. Dans les années ‘70, plus de 4 millions de montres provenant des îles étaient importées aux USA aux conditions les plus avantageuses. Ces compagnies importaient des ébauches, pièces et sous-ensembles de Suisse, d’Allemagne, de France. Les fabriquant US, qui eux bénéficiaient en plus de subventions, sous-traitaient aussi le montage final de montres aux îles.
L’URSS était alors, pour le commerce US, sur la « liste 2 » des pays, celle des pays dont les importations aux USA étaient limitées et/ou lourdement taxées. Les experts soviétiques virent dans ces mesures en faveur de l’industrialisation des possessions insulaires US une faille à exploiter dans la réglementation commerciale des USA.
Des sociétés écrans panaméennes, créées par les services soviétiques du commerce extérieur, furent d’abord fondées. La plus importante d’entre elles était l’International Ciers S.A. fondée le 11 juin 1965, qui allait elle-même fonder des sociétés industrielles dans les îles Vierges pour y fabriquer en masse des montres avec des mécanismes soviétiques et les importer en « duty-free » aux USA.
La Cornavin (V.I.) Inc, principal fabriquant des montres soviétiques des îles Vierges, était directement contrôlée par International Ciers. Mais International Ciers contrôlait aussi le fabriquant Caribbean Watch Company. Trois autres sociétés allaient être fondées encore, deux aux îles Vierges, la Sussex Watch Corporation et la Watches Inc, et une à Guam : la Jerlian Watch C° Inc.
On peut remarquer qu’aux îles Vierges, les fabricants utilisant des mouvements ouest-européens étaient basées dans l’île de Ste Croix alors que les deux principales fabriques « soviétiques », Cornavin et Sussex, étaient basée à St Thomas, où elles employaient une centaine de travailleurs.
La production de montres avec des mécanismes soviétiques avait commencé à toute petite échelle en 1962 pour devenir conséquente en 1967. Cette année là, 324.000 montres « soviétiques » étaient produites et la production sera grosso modo constante les années suivantes. En 1976, la production décolle et passe à 654.390 pièces (cette même années, seulement 1.000 montres étaient exportées directement de l’URSS aux USA). En 1977, cette production atteignait 816.000 pièces. Les deux sociétés-écrans panaméennes, Metro Zona Libre SA, et International Ciers SA ne s’en satisfaisaient pas puisqu’elles proposaient aux autres fabriques des îles Vierges d’emboîter des mécanismes soviétiques.
En 1973, International Ciers S.A. achetait la société horlogère genevoise Cornavin, une société qui existait depuis 1920. La marque allait être utilisée par le Mashpriborintorg (pour cet organisation de commerce extérieur soviétique, voir ici) de différente manière :
- pour des montres entièrement produites en URSS (par différentes fabriques), on en voit même au catalogue 1977
- pour des montres produites aux îles Vierges par la Cornavin V.I. [Virgin Islands] Inc,
- pour des montres produits avec des mécanismes soviétiques hors d’URSS et là on manque de précision : certain disent que des Cornavin ont été fabriquées en Suisse par la société du même nom, avec des boîtiers asiatiques (hong-kongais, taiwanais…), d’autres que des Cornavin ont été fabriquées à Hong Kong.
De fait, il y a eu une Cornavin Hong Kong Ltd fondée en 1976. Mais cela ne veut pas dire que ces montres ont été fabriquées à Hong Kong. Ce qui est certain, c’est que les montres Cornavin, Timetone et autres, fabriquées dans les îles Vierges avec des mécanismes soviétiques, utilisaient des boîtiers, bracelets et boites d’emballages en provenance de Hong Kong, et parfois marqués comme tels...
En 1977, la valeur des montres soviéto-insulaire exportées aux USA était de 3,66 millions de $. La valeur totale des exportations soviétiques (directes) vers les USA était de 421 millions de $ (ces chiffres semblent bas mais le dollars avait une tout autre valeur à l’époque). Les montres de Guam et des îles Vierges représentaient donc 1 % des exportations soviétiques vers les USA. Ce n’est pas négligeable…
Cornavin employait une centaine de personnes, Sussex une vingtaine, Watch Inc une trentaine, Jerlian (à Guam) une soixantaine.
En quelques années donc, les production « soviétique » montait à 20 % de la production horlogère des îles Vierges et à la grande majorité de la production de Guam (marque Jerlian).
Les montres étaient importées en masquant au consommateur américain leur origine. La marque « Timetone » évoquait une origine américaine, les marques « Geneva », « Jean Cardot » et « Cornavin » une origine suisse. Tout était pensé pour renforcer cette impression. C’est ainsi que le nom de la société figurant sur le certificat de garantie des Timetone, et où le consommateur pouvait envoyer son produit tant qu’il était sous sa garantie de deux ans, était l’American Swiss Repair Service, basée à Brooklyn…
Ces montres entraient principalement en concurrence avec celles de du géant horloger américain spécialisé dans la production de masse à bas prix : Timex. Le prix moyen d’une Timex était de 20$. Les Timetone, qui étaient à ce moment toutes originaires des îles Vierges, étaient vendues à 16,88$ et parfois vendus moins cher encore, à 11,88$ ou 9,88$ - et elles étaient d’une qualité supérieure, embarquant un calibre à 17 rubis.
Une autre de mes Timetone, version chromée du modèle déjà montré
Une Jean Cardot vue sur la baie.
Ainsi par exemple, la société Helbros Watches Inc vendait pour 250.000$ de montres produites dans sa fabrique des îles Vierges à S.M.&R. de Chicago. En 1977, S.M.&R. n’achetait plus que pour 80.000$ à Helbros et s’approvisionnait pour 170.000$ entre montres venues des îles Vierges avec des mécanismes soviétiques. Au printemps 1977, K-Mart passait une commande de 100 à 150.000 montres à Helbros, mais à la dernière minutes, Cornavin Watch C° fit une contre-offre et emporta le marché. C’est ainsi que des Cornavins venant des îles Vierges étaient vendues pour 12,88$ dans les magasins K-Mart. Et 1977 et 1978 Helbros perdait le contrat des montres vendues dans la chaîne de magasins Zayles (750.000 montres par an) : au profit d’une société emboitant des mécanismes soviétiques. De la même manière, les chaînes de grandes distribution comme J.M.Fields et Zavre commercialisaient des Timetone.
L’American Wartch Association (qui regroupait les principales sociétés horlogères des USA) et les 11 producteurs horlogers des possessions insulaires US (dépendant tous des membres de l’AWA) commencèrent une campagne contre les sociétés « soviétiques » des îles Vierges et de Guam.
En 1978, la première des mesures visant à limiter la part des mécanismes soviétiques de la production horlogère des possessions insulaires US était voté : c’était l’amendement proposé par le représentant Dan Rostenkowski qui listait une série de 25 pièces devant être produites dans les îles.
Mais les représentant des sociétés horlogères américaines exigeaient l’interdiction pure et simple de calibres ou de pièce venant d’URSS.
Ces sociétés horlogères américaines exposaient que dans les ateliers « soviétiques », les ouvriers n’effectuaient qu’une demi-douzaine d’opérations simples pour assembler trois sous-ensembles produits en URSS, alors que dans les ateliers « américains », les ouvriers insulaires effectuaient 19 opérations, certains complexes, à partir d’une quarantaines de pièces. Et qu‘ainsi l’objectif du règlement commercial qui était de développer un emploi qualifié dans les îles n’étaient pas atteint.
Elles dénonçaient la concurrence déloyale des soviétiques en raison du faible coût des éléments importés. Les sociétés qui importaient des mécanismes ébauches et pièces de Suisse, d’Allemagne et de France étaient terriblement handicapées par la baisse du dollars. Mais même les compagnies important des éléments des USA ne pouvaient résister à cette concurrence survenant alors que l’URSS s’affirme de plus en plus comme une grande puissance horlogère. En 1976, l’URSS produit environ 60 millions de montres (21% de la production mondiale), la Suisse produit 75 millions (26%), le Japon 34 millions (12%) et les USA 31 millions (11%).
L’AWA exposait qu’à terme, la production horlogère soviétique risquait de mettre en crise l’industrie horlogère US. L’AWA citait la progression foudroyante des ventes de « Sekonda » au Royaume-Unis et de « Cardinal » au Canada.
Les sociétés horlogères « soviétiques » des possessions insulaires US luttèrent contre ces projets visant à restreindre leurs activités. Réunies dans l American Insular Manufacturers, une association à but non lucratif basée aux îles Vierges, ces sociétés étaient alors Cornavin (VI) Inc, Sussex Watch Corporation, toutes deux basées aux îles Vierges, et la Jerlian Watch C° Inc basée à Guam. On remarquera que les sociétés Watches Inc et Caribbean Watch Company avaient disparues à cette date.
L’American Insular Manufacturers avait pour porte-parole Joseph H. Sharlitt, une personnalité intéressante, membre du conseil d’administration de plusieurs compagnie, et auteur, dans les années ‘80, d’un livre sur les Rosenberg...
Ce combat a été perdu en 1979 : de nouveaux règlements commerciaux instaurent des quotas discriminant radicalement les fabricants insulaires utilisant des mécanismes soviétiques : c’était le début de la fin pour cet épisode pour le moins original de l'histoire de l'industrie horlogère soviétique...
Source principale, ce rapport:
ici: le .pdf
Dernière édition par Hanoi le Ven 2 Avr 2021 - 13:35, édité 3 fois
Hanoi- Expert
- Messages : 3635
Date d'inscription : 20/03/2015
Age : 61
Localisation : Bruxelles
Chronotopos, CID89 et Mouhwee aiment ce message
Re: L'étonnante production horlogère soviétique dans les possessions insulaires US
Passionnant.
Merci Hanoï !
Merci Hanoï !
Re: L'étonnante production horlogère soviétique dans les possessions insulaires US
Étonnant !
Merci pour tout ce que tu nous fais découvrir
Merci pour tout ce que tu nous fais découvrir
LeDocteur- Pilier du Forum
- Messages : 3844
Date d'inscription : 07/08/2014
Age : 50
Re: L'étonnante production horlogère soviétique dans les possessions insulaires US
Encore un beau morceau d’histoire.
Merci Hanoi.
_________________
J’ai l’habitude de me taire sur ce que j’ignore.
Sophocle
Re: L'étonnante production horlogère soviétique dans les possessions insulaires US
Très intéressant . Merci de nous faire partager ces événements à la fois historiques, géographiques, économiques, politiques et horlogers !
Palpatine- Membre du Parti
- Messages : 105
Date d'inscription : 24/07/2017
Godevin- Commissaire politique
- Messages : 1282
Date d'inscription : 17/04/2016
Age : 66
Localisation : Dinant Belgique
Re: L'étonnante production horlogère soviétique dans les possessions insulaires US
Toujours instructif et surprenant.
Merci pour les recherches et le partage.
Merci pour les recherches et le partage.
Svoboda- Modérateur
- Messages : 2623
Date d'inscription : 26/05/2015
Age : 60
Localisation : Enfin où je veux
Re: L'étonnante production horlogère soviétique dans les possessions insulaires US
Merci pour vos bons retours, et bonnes fêtes!
Hanoi- Expert
- Messages : 3635
Date d'inscription : 20/03/2015
Age : 61
Localisation : Bruxelles
Re: L'étonnante production horlogère soviétique dans les possessions insulaires US
Bien que silencieux depuis plusieurs mois, plus par faute de temps (j'ai une autre passion, sportive cette fois, assez chronophage), je saisis cette occasion pour remercier en toute simplicité le camarade Hanoï pour ses nombreuses contributions érudites et accessibles à tous. MERCI. J'ai beaucoup aimé, entre autre, la raketa "mongolistan".
S'agissant de ce nouveau post, je comprends mieux pourquoi des exemplaires de Cornavin se sont retrouvés jusqu'au Pérou (dixit l'horloger Castillo de Viroflay lors d'une visite à son atelier en juin 2017 qui m'évoquait sa jeunesse et son expérience de l'horlogerie soviet par l'intermédiaire de cette marque sur laquelle il a fait ses premières armes).
Bien que faisant partie de la sphère d'influence US par le biais de la doctrine Monroe, il n'en demeurait pas moins que le Pérou avait son lot de made in USSR par le biais de marques écrans conçues pour l'export, à l'instar de la Sekonda en GB. Or, dans les années dures de la guerre froide, le made in USSR n'avait généralement pas sa place dans les pays sous influence US. Sauf exception, avec les produits manufactués de l'industrie horlogère.
Cette production était quelque part le prélude à la future joint venture qui a donné naissance à la Desert Shield.
S'agissant de ce nouveau post, je comprends mieux pourquoi des exemplaires de Cornavin se sont retrouvés jusqu'au Pérou (dixit l'horloger Castillo de Viroflay lors d'une visite à son atelier en juin 2017 qui m'évoquait sa jeunesse et son expérience de l'horlogerie soviet par l'intermédiaire de cette marque sur laquelle il a fait ses premières armes).
Bien que faisant partie de la sphère d'influence US par le biais de la doctrine Monroe, il n'en demeurait pas moins que le Pérou avait son lot de made in USSR par le biais de marques écrans conçues pour l'export, à l'instar de la Sekonda en GB. Or, dans les années dures de la guerre froide, le made in USSR n'avait généralement pas sa place dans les pays sous influence US. Sauf exception, avec les produits manufactués de l'industrie horlogère.
Cette production était quelque part le prélude à la future joint venture qui a donné naissance à la Desert Shield.
Bozouich- Membre du Parti
- Messages : 107
Date d'inscription : 24/09/2018
Age : 50
Localisation : 94
Re: L'étonnante production horlogère soviétique dans les possessions insulaires US
Encore un magnifique partage merci hanoi
Timeseeker- Kamarade
- Messages : 74
Date d'inscription : 28/01/2020
Re: L'étonnante production horlogère soviétique dans les possessions insulaires US
En tout cas la Raketa sur l'affiche est vraiment superbe en design.
Pierre le grand- Commissaire politique
- Messages : 1852
Date d'inscription : 13/11/2015
Age : 53
Re: L'étonnante production horlogère soviétique dans les possessions insulaires US
Je me suis finalement trouvé une "Jean Cardot" à 20 euros.
Ces montres sont toujours vachement surcotées car aujourd'hui encore, elles arrivent à se faire passer pour ce qu'elles ne sont pas: des montres suisses.
Celle-ci a été importée aux USA par une société new-yorkaise, la FEWA Watch C°.
D'ordinaire, cette société importait de véritables montres suisses, fabriquées pour elle (les mécanismes portant son nom ou son marquage: FON), mais de très basse qualité (1 rubis, genre...)
Pour ces Jean Cardot, elle n'a fait placer que son dos et admirez le procédé:
à l'extérieur il est marqué ANTIMAGNETIC / SWISS MADE
à l'intérieur le pot au rose est révélé: FEWA WATCH CO / CASE SWISS MADE, seul le (fond du) boîtier est de fabrication suisse!
Le mécanisme est un Zarya 1601 à 17 rubis de la Fabrique de Montres de Penza
Ces montres sont toujours vachement surcotées car aujourd'hui encore, elles arrivent à se faire passer pour ce qu'elles ne sont pas: des montres suisses.
Celle-ci a été importée aux USA par une société new-yorkaise, la FEWA Watch C°.
D'ordinaire, cette société importait de véritables montres suisses, fabriquées pour elle (les mécanismes portant son nom ou son marquage: FON), mais de très basse qualité (1 rubis, genre...)
Pour ces Jean Cardot, elle n'a fait placer que son dos et admirez le procédé:
à l'extérieur il est marqué ANTIMAGNETIC / SWISS MADE
à l'intérieur le pot au rose est révélé: FEWA WATCH CO / CASE SWISS MADE, seul le (fond du) boîtier est de fabrication suisse!
Le mécanisme est un Zarya 1601 à 17 rubis de la Fabrique de Montres de Penza
Dernière édition par Hanoi le Sam 3 Avr 2021 - 9:21, édité 2 fois
Hanoi- Expert
- Messages : 3635
Date d'inscription : 20/03/2015
Age : 61
Localisation : Bruxelles
V13 et Mouhwee aiment ce message
Re: L'étonnante production horlogère soviétique dans les possessions insulaires US
Merci, Hanoï, pour cet article absolument passionnant.
V13- Kamarade
- Messages : 95
Date d'inscription : 20/04/2018
Re: L'étonnante production horlogère soviétique dans les possessions insulaires US
Hou j'avais loupé ce dossier, merci de l'avoir fait remonter! Et merci Hanoi pour ce passionnant exposé!
Mouhwee- Membre du Parti
- Messages : 593
Date d'inscription : 06/11/2018
Age : 49
Sujets similaires
» Petite histoire de la production horlogère à Vladimir
» Tableau historique de l'industrie horlogère soviétique
» Montres et horloges dans l'iconographie soviétique (3)
» Slim 2209 - LUCH s'apprêterait à relancer la production des “Vympel” ???
» Montres et horloges dans l'iconographie soviétique (2)
» Tableau historique de l'industrie horlogère soviétique
» Montres et horloges dans l'iconographie soviétique (3)
» Slim 2209 - LUCH s'apprêterait à relancer la production des “Vympel” ???
» Montres et horloges dans l'iconographie soviétique (2)
Page 1 sur 1
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
Aujourd'hui à 14:02 par Christophe
» Poljot 2614 Ordre de la Guerre Patriotique « Président de l'Ukraine, Leonid Kuchma »
Aujourd'hui à 11:43 par Christophe
» [VENDS]Vostok Komandirskie 300 ans de la Marine Russe
Hier à 19:16 par gp20
» Un exemple de sabotage
Mer 20 Nov 2024 - 19:21 par Steak
» Komandirskie 2414.A/341290 « 70 ans d’Octobre » avec dédicace
Mar 19 Nov 2024 - 9:10 par Christophe
» Raketa 2628.H « Goroda » avec dédicace gravée
Lun 18 Nov 2024 - 21:33 par Christophe
» Raketa UFO 2609.HA « 60 ans de l'URSS »
Dim 17 Nov 2024 - 22:46 par TIMH
» Komandirskie 2414A/291223 Zakaz
Dim 17 Nov 2024 - 15:04 par Hanoi
» La fantastique "Petit Prince" d'Anton Yaitsky
Ven 15 Nov 2024 - 21:25 par Steak
» Slava "Sadko" Réédition 2020
Jeu 14 Nov 2024 - 13:26 par Steak
» Raketa 24 heures world time "Kremlin" 2623.H
Jeu 14 Nov 2024 - 12:17 par Christophe
» Clôture des petites annonces ?
Mar 12 Nov 2024 - 11:11 par Semnos
» Présentation
Lun 11 Nov 2024 - 20:08 par Svoboda
» Montre de poche russe Lightning
Lun 11 Nov 2024 - 17:23 par Miota73
» Komandirskie Tchistopol 2234 1391045 (zakaz)
Lun 11 Nov 2024 - 11:37 par Admin
» Encyclopédie des montres et horloges soviétiques
Dim 10 Nov 2024 - 18:25 par Christophe
» Komandirskie 2414.A/341270 « Rising Star »
Sam 9 Nov 2024 - 22:01 par Klui
» Komandirskie "Parachutiste " zakaz
Jeu 7 Nov 2024 - 20:16 par Christophe
» Revue VOSTOK KOMANDIRSKIE Black Plastic Case
Mer 6 Nov 2024 - 9:25 par Hanoi
» [VENDS] Yema Navigraf
Mar 5 Nov 2024 - 20:57 par romuald21