Petite histoire de l'usine de Petrodvorets
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:: Les Montres Russes :: Raketa
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Petite histoire de l'usine de Petrodvorets
La fabrique de Petrodvorets (Peterhof), située à 40 km de Saint Pétersbourg, a été fondée en 1721 par Pierre le Grand. Uniquement destinée à l'origine à la taille des marbres, de pierres précieuses et semi-précieuses (c'est là que sont taillées les pierres de la couronne des tsars en 1762 mais aussi les pierres ornementales des différents palais des tsars). C'est la plus vieille usine de Russie. Après la guerre de 1812, elle fabrique des horloges et fournit divers équipements à l'armée russe tout en poursuivant ses activités traditionnelles. Elle travaillera ainsi les marbres de la cathédrale Saint Isaac et les malachites du Palais d'hivers.
La fabrique de Peterhof en 1917 (carte postale en vente sur e-bay)
A la révolution, il n'existait en Russie que cette production horlogère, élitiste et artisanale. Le pouvoir soviétique s'employa à créer une industrie horlogère moderne. La fabrique de Petrodvorets en devient le fournisseur principal en pierres de précision (les fameux rubis, aujourd'hui synthétiques, qui permettent de minimiser les frottements) tout en conservant sa production traditionnelle : elle travaillera les marbres du mausolée de Lénine (1927) et l'étoile rouge qui brillait au sommet des tours du Kremlin (1934).
Les tours du Kremlin
En 1930, la société est rebaptisée Fabrique d'Etat pour la fabrication de pierres techniques précises N°1 : ТТК-1 (Точных Технических Камней). Pendant la guerre, à l'avance des hitlériens, les stocks, machines et ouvriers quittent la région de Léningrad et s'installent à Kusa, près de Tcheliabinsk, dans l'Oural. La Fabrique prend le nom de Fabrique n°823 et dépend du Ministère de l'Arme des Mortiers (HKMV, NKMV). Les bâtiments de la fabriques sont détruits pendant la guerre. Ils sont reconstruits et l'usine reprend ses activités. A partir de 1946 l'usine assemble les montres-bracelets sous les marques Zvezda (étoile) et Pobeda (victoire).
Une Pobeda de la TTK-1 (image: WUS)
Elles se spécialise dans la fabrication de montres à partir de 1949 et prend en 1952 le nom de Fabrique de Montres de Petrodvorets (Петродворцовый Часовой Завод, ПЧЗ). C'est dans les années 60 que les manufactures soviétiques prendront des noms différents (sans doute en raison de l'obligation pour les manufactures horlogères de ne produire que sous le nom d'une seule marque commerciale imposée par un décret de 1962), noms souvent liés à la conquête spatiale. La marque Raketa ((Ракета, fusée) est lancée à partir de 1961 suite au premier vol habité dans l’espace de Gagarine.
Aux grandes heures de l’entreprise, Raketa, fleuron de l’industrie soviétique, véritable petite ville, est équipée de deux abris anti-atomiques pouvant abriter ses 8.000 travailleurs. Elle a ses propres quartiers d'habitations, ses écoles, son stade, sa piscine, son université, son hôpital, ses stations balnéaires sur la Mer Noire, ses formations de jeunesse communiste Pionniers et Komsomol et ses orchestres. Elle produisait plus de 5 millions de montres par an (plus que toute la Suisse aujourd’hui). Dans les années '60, l'URSS devient le deuxième plus grand pays producteur de montre au monde, et innove technologiquement (en employant pour la première fois le laser par exemple).
La gymnastique des ouvrières (1958)
Les montres Raketa sont constituées d’environ 250 pièces qui étaient fabriquées à 100% par l’usine. Elles étaient utilisées par l'Armée et la Marine soviétiques, par les explorateurs polaires et la population civile soviétique mais ont également été exportées dans près de 40 pays, sous cette dénomination ou sous diverses autres marques : Baltika, Exacta, Leningrad, Majak, Neva, Petrodvoretz, Polarnie, Rekord, Sekonda, Start, etc.
La production de la marque Raketa à cette époque est alors considérée comme particulièrement fiable et reste une référence en termes de montre mécanique. Les montres mécaniques Raketa ont été exportées dans tous les pays frères. Raketa a produit des montres légendaires, celle au calendrier perpétuel, celle au mouvement de 24 heures pour les explorateurs polaires et les sous-mariniers, mais aussi des montres anti-magnétiques et des modèles spéciaux pour l’armée, comme celle couplée à un compteur Geiger...
La Raketa à compteur geiger
En 1983, la crise qui frappe l'industrie horlogère touche non seulement la Suisse et le Japon mais aussi l'URSS : les exportations de Raketa chutent de 40 %, mais l'usine développe la production d'instruments de mesure pour la médecine et l'industrie. En 1989 chaque usine Raketa se charge d'une activité spécifique : l'une d'elle perpétue l'activité historique de coupe de pierres semi-précieuses, et produira des variantes en séries limitées de certaines montres Raketa (munie d'un cadran en pierre, jade ou jaspe).
Une Raketa "Korpernik" en jaspe (collection de l'ami Samun1984)
La fin des années '80 voient se multiplier les cadran à thème de propagande (« CCCP », « Perestroïka », « Glastnost ») essentiellement destiné aux touristes et à l'exportation. L'effondrement de l'URSS précipitera la descente aux enfers de la fabrique. Les stocks de pièces sont recyclés de toutes les manières, la qualité chute et la mauvaise réputation des montres soviétiques en Europe occidentale et aux USA date de cette époque. Sa production deviendra de plus en plus contestable, l'usine sera même déclarée en faillite, l'eau et l'électricité lui sera coupé.
La fabrique est reprise en 2009 et sous la direction de Jacques von Polier, elle s'oriente vers une clientèle locale/fortunée, en jouant tout à la fois sur le passé soviétique prestigieux de la marque et une image très "jet set".
La fabrique aujourd'hui (photo Raketa)
Voici un film en deux parties sur l'histoire de la fabrique (en cliquant sur la petite roue vous pouvez activer/désactiver les sous-titres anglais)
La fabrique de Peterhof en 1917 (carte postale en vente sur e-bay)
A la révolution, il n'existait en Russie que cette production horlogère, élitiste et artisanale. Le pouvoir soviétique s'employa à créer une industrie horlogère moderne. La fabrique de Petrodvorets en devient le fournisseur principal en pierres de précision (les fameux rubis, aujourd'hui synthétiques, qui permettent de minimiser les frottements) tout en conservant sa production traditionnelle : elle travaillera les marbres du mausolée de Lénine (1927) et l'étoile rouge qui brillait au sommet des tours du Kremlin (1934).
Les tours du Kremlin
En 1930, la société est rebaptisée Fabrique d'Etat pour la fabrication de pierres techniques précises N°1 : ТТК-1 (Точных Технических Камней). Pendant la guerre, à l'avance des hitlériens, les stocks, machines et ouvriers quittent la région de Léningrad et s'installent à Kusa, près de Tcheliabinsk, dans l'Oural. La Fabrique prend le nom de Fabrique n°823 et dépend du Ministère de l'Arme des Mortiers (HKMV, NKMV). Les bâtiments de la fabriques sont détruits pendant la guerre. Ils sont reconstruits et l'usine reprend ses activités. A partir de 1946 l'usine assemble les montres-bracelets sous les marques Zvezda (étoile) et Pobeda (victoire).
Une Pobeda de la TTK-1 (image: WUS)
Elles se spécialise dans la fabrication de montres à partir de 1949 et prend en 1952 le nom de Fabrique de Montres de Petrodvorets (Петродворцовый Часовой Завод, ПЧЗ). C'est dans les années 60 que les manufactures soviétiques prendront des noms différents (sans doute en raison de l'obligation pour les manufactures horlogères de ne produire que sous le nom d'une seule marque commerciale imposée par un décret de 1962), noms souvent liés à la conquête spatiale. La marque Raketa ((Ракета, fusée) est lancée à partir de 1961 suite au premier vol habité dans l’espace de Gagarine.
Aux grandes heures de l’entreprise, Raketa, fleuron de l’industrie soviétique, véritable petite ville, est équipée de deux abris anti-atomiques pouvant abriter ses 8.000 travailleurs. Elle a ses propres quartiers d'habitations, ses écoles, son stade, sa piscine, son université, son hôpital, ses stations balnéaires sur la Mer Noire, ses formations de jeunesse communiste Pionniers et Komsomol et ses orchestres. Elle produisait plus de 5 millions de montres par an (plus que toute la Suisse aujourd’hui). Dans les années '60, l'URSS devient le deuxième plus grand pays producteur de montre au monde, et innove technologiquement (en employant pour la première fois le laser par exemple).
La gymnastique des ouvrières (1958)
Les montres Raketa sont constituées d’environ 250 pièces qui étaient fabriquées à 100% par l’usine. Elles étaient utilisées par l'Armée et la Marine soviétiques, par les explorateurs polaires et la population civile soviétique mais ont également été exportées dans près de 40 pays, sous cette dénomination ou sous diverses autres marques : Baltika, Exacta, Leningrad, Majak, Neva, Petrodvoretz, Polarnie, Rekord, Sekonda, Start, etc.
La production de la marque Raketa à cette époque est alors considérée comme particulièrement fiable et reste une référence en termes de montre mécanique. Les montres mécaniques Raketa ont été exportées dans tous les pays frères. Raketa a produit des montres légendaires, celle au calendrier perpétuel, celle au mouvement de 24 heures pour les explorateurs polaires et les sous-mariniers, mais aussi des montres anti-magnétiques et des modèles spéciaux pour l’armée, comme celle couplée à un compteur Geiger...
La Raketa à compteur geiger
En 1983, la crise qui frappe l'industrie horlogère touche non seulement la Suisse et le Japon mais aussi l'URSS : les exportations de Raketa chutent de 40 %, mais l'usine développe la production d'instruments de mesure pour la médecine et l'industrie. En 1989 chaque usine Raketa se charge d'une activité spécifique : l'une d'elle perpétue l'activité historique de coupe de pierres semi-précieuses, et produira des variantes en séries limitées de certaines montres Raketa (munie d'un cadran en pierre, jade ou jaspe).
Une Raketa "Korpernik" en jaspe (collection de l'ami Samun1984)
La fin des années '80 voient se multiplier les cadran à thème de propagande (« CCCP », « Perestroïka », « Glastnost ») essentiellement destiné aux touristes et à l'exportation. L'effondrement de l'URSS précipitera la descente aux enfers de la fabrique. Les stocks de pièces sont recyclés de toutes les manières, la qualité chute et la mauvaise réputation des montres soviétiques en Europe occidentale et aux USA date de cette époque. Sa production deviendra de plus en plus contestable, l'usine sera même déclarée en faillite, l'eau et l'électricité lui sera coupé.
La fabrique est reprise en 2009 et sous la direction de Jacques von Polier, elle s'oriente vers une clientèle locale/fortunée, en jouant tout à la fois sur le passé soviétique prestigieux de la marque et une image très "jet set".
La fabrique aujourd'hui (photo Raketa)
Voici un film en deux parties sur l'histoire de la fabrique (en cliquant sur la petite roue vous pouvez activer/désactiver les sous-titres anglais)
Hanoi- Expert
- Messages : 3635
Date d'inscription : 20/03/2015
Age : 61
Localisation : Bruxelles
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Re: Petite histoire de l'usine de Petrodvorets
En tant que raketa boy : je ne peux qu' apprecier ...
Merci Hanoi !
Merci Hanoi !
simke- Pilier du Forum
- Messages : 3310
Date d'inscription : 17/10/2012
Age : 49
Localisation : BREST
Re: Petite histoire de l'usine de Petrodvorets
Bonne "petite histoire" sur l'usine de Petrodvorets. C'est bien, et juste d'avoir évoqué les fameuses petites Pobeda marquée "TTK-1". J'ai passé des heures à compulser la baie pour détecter la fameuse signature. J'en ai attrapé quelques-unes à un prix très correct. Bizarrement, elles sont plus précises que mes autres Pobeda.
Dans tous les cas, une d'elles ma offert mon plus grand bonheur de photographe. Le concours hebdomadaire "Flickr Friday". Le thème était "Less is more" ("moins, c'est plus").
A priori, ma petite TTK-1 shootée avec un Zenitar (Soviétique) 50mm 1.8 a plu, et elle a été sélectionnée dans le graal de flickr, Explore (les 500 meilleures photos du jour) :
Made in USSR (1954). #LessIsMore by fcafca, sur Flickr
Dans tous les cas, une d'elles ma offert mon plus grand bonheur de photographe. Le concours hebdomadaire "Flickr Friday". Le thème était "Less is more" ("moins, c'est plus").
A priori, ma petite TTK-1 shootée avec un Zenitar (Soviétique) 50mm 1.8 a plu, et elle a été sélectionnée dans le graal de flickr, Explore (les 500 meilleures photos du jour) :
Made in USSR (1954). #LessIsMore by fcafca, sur Flickr
_________________
Avatar : Eugène Pottier, auteur de l'Internationale
fcafca- Expert
- Messages : 1572
Date d'inscription : 30/12/2011
Flaco73 aime ce message
Re: Petite histoire de l'usine de Petrodvorets
Belle photo en effet!
Si l'occasion se présente, j'acheterait aussi volontiers une TTK.
Je bosse sur une histoire bien plus complète de la fabrique, mais je ne voulais pas laisser trop longtemps mon petit feuilleton des fabriques en suspens...
Et puis le film est bien fait n'est-ce pas?
Si l'occasion se présente, j'acheterait aussi volontiers une TTK.
Je bosse sur une histoire bien plus complète de la fabrique, mais je ne voulais pas laisser trop longtemps mon petit feuilleton des fabriques en suspens...
Et puis le film est bien fait n'est-ce pas?
Hanoi- Expert
- Messages : 3635
Date d'inscription : 20/03/2015
Age : 61
Localisation : Bruxelles
Flaco73 aime ce message
Re: Petite histoire de l'usine de Petrodvorets
Merci pour cette présentation, c'est toujours un plaisir de pouvoir connaître un peu l'histoire de nos chères montres !
ptitdo- Kamarade
- Messages : 99
Date d'inscription : 07/11/2015
Re: Petite histoire de l'usine de Petrodvorets
Merci pour cette histoire.
Necromago- Membre du Parti
- Messages : 687
Date d'inscription : 12/05/2010
Age : 45
Localisation : Finistère
Re: Petite histoire de l'usine de Petrodvorets
Merci pour cet article sur cette ville usine horlogère
du coup j'ai découvert que fcafca était aussi amateur de vieilles lentilles ... comme moi !
du coup j'ai découvert que fcafca était aussi amateur de vieilles lentilles ... comme moi !
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